Verticale de fureur

Verticale de fureur


De quoi s'agit-il ? De l'histoire d'un tortionnaire ordinaire, sans doute. Puisque le banal, le ciment administratif et la tiède somnolence des foules sont le ferment des plus beaux spécimens de monstres qui peuvent alors commettre tranquillement et au su de chacun l'insoutenable. L'insoutenable ainsi qu'une besogne à la petite semaine, participant d'énormes rouages protocolaires qui les dépassent, minimisent et, il leur semble, justifient leurs méfaits commis sous le couvert de la norme. Oui, il est certain que Verticale de Fureur nous conte avec un naturel effroyable comment l'abjection vient à nous par les plus courants appareils et l'indifférence du quotidien. Mais pas seulement. Le noir récit de Milan Brasov propose encore d'avantage une exploration de la genèse de l'horreur qui prend nécessairement sa source dans l'histoire familiale, l'éducation et plus généralement l'enfance, siège de toutes les phobies.

Extrait de Presse


Stéphanie Marchais nous offre ici un curieux personnage, unique narrateur d'un récit qui se voudrait de rédemption et a des allures d'acte d'accusation. Tout en se confessant, Brasov tente d'attirer les sympathies du lecteur mais y arrive-t-il vraiment ? Pas si sûr, car loin d'assumer ses actes et de faire preuve d'une certaine forme de courage, même au profit d'une cause laide, le bonhomme préfère s'apitoyer sur son sort au fil des pages et c'est ce qui empèche, sans doute de s'y attacher. Toutefois, reconnaissons-le, l'empathie est là malgré tout. (...) Le procédé de la confession-pardon annonce de vengeance marche très bien. D'autant plus que l'écriture de Stéphanie Marchais est vive et agréable à lire. Brasov est un monstre qui ne demande pas pardon mais tente de se pardonner à lui même, sous l'oeil d'une tombe muette, symbole de toutes ces victimes juives pendant le conflit. Avec des digressions, des retours en arrière et des justifications à outrance, il entraine le lecteur avec lui car, tôt ou tard, survient la réflexion "le comprenons-nous ?". Et ça, c 'est tout de même dérangeant ! C'est là que réside l'un des tours de force du livre, dans cette façon de repousser les limites de notre humanité. A découvrir !
Sahkti Zaziweb

Spectacles

︎︎︎Verticale de fureur, mise en scène de Pierre Doulliez.
︎︎︎Verticale de fureur, mise en scène de Michel Pruner.

Extrait


Un lieu vaste, en périphérie d’une grande ville.

L’homme : vous et moi nous allons convenir d’une somme, comme c’est l’usage en pareille occasion. Bien ! Je ne veux pas entendre vos tractations ou subir un quelconque marchandage. Votre race est habile à ce genre de négoce et je suis trop fatigué, pour m’offrir encore l’idée d’une humiliation.

Rire bref.

Rien n’est jamais d’une absolue clarté, n’est-ce pas ? personne ne peut se contenter d’un fonctionnement binaire et je suis pour le mélange des couleurs, sans coulure intempestive ni épanchement incontrôlé, cela va de soi.
Voyez-vous, je sens à vous parler franchement ainsi dans cet espace clos…puis-je m’asseoir ? non, je vais demeurer debout et marcher, faire les cent pas devant vous, comme une sentinelle vous permettez ?…pour organiser mes pensées, j’en ai besoin. J’ai un grand besoin de mouvement depuis peu, mon travail sédentaire sans doute ou l’afflux soudain de remords, de rêveries toxiques… Ce n’est pas cet endroit confiné qui me procure cette sensation d’oppression au bas de la poitrine, je ne suis pas oppressé non, je suis un bon petit soldat un peu cardiaque qui a besoin, je vous le répète, de circuler !

Respirer oh ne croyez pas que je veuille me donner en spectacle, j’ai horreur de ça. La musique le spectacle, une paire de seins grotesques qui dansent en pleine fumée, sur la table pas débarrassée, à la portée de mains débridées ah non diable ! je veux simplement bien gentiment bouger. Vous comprenez ? Aller librement, la nuque dégagée du reste du crâne, comme des tas d’êtres humains dociles. Voilà.

Voyez-vous je me rends compte en devisant gaiement avec vous, que j’ai choisi sans innocence ce point d’appui comme principe de vie : l’humiliation. Cette cravate me comprime le cou, elle donne l’illusion d’un double menton que je n’ai pas et cette impression m’est fort désagréable ! Je n’ai pourtant pas de ventre et j’ai d’ailleurs toujours tenté de cultiver un esprit en ordre, régnant sur un organisme en parfait état de marche. Mon cerveau continue de dicter ses injonctions à mon corps, prompt à les exécuter. Jamais l’inverse. Always under control ! Jamais il ne viendrait l’idée à mes membres de se rebeller.